Le corps, vecteur d’être au monde, émet et reçoit. Mouvant ou immobile, il affecte l’espace ; ce qui dans l’espace est invisible, anime le corps. Perception de l’intangible.
Les émotions vibrent en mouvements internes à notre corps, décuplant notre perception. Ça vaut la peine d’être vifs. Un souffle nous traverse : émotion et partage, nous sommes vivants.

Souffle installe une perception de l’espace.
Le travail invite le visiteur à une approche physique, il le convie à marcher pieds nus, à habiter son propre souffle en entrant dans un « espace flottant » où vidéo et plumes participent à créer un temps différent, fluide.
Non devant une œuvre mais plongé dedans, son corps devrait enregistrer des variations.

La lumière changeant de manière régulière lors de plans fixes, fait varier la forme, évoque cette mobilité vitale.
La surface du sol, éclairée par la projection, est parcourue elle-même d’une constante et légère vibration. Comme suspendues, d’infimes particules touchent le système respiratoire.

Le souffle, ici en jeu : sa couleur est le blanc.

« C’est là, tout au fond du creuset humain, en cette région paradoxale où la fusion de deux êtres qui se sont réellement choisis restitue à toutes choses les couleurs perdues du temps des anciens soleils, où pourtant aussi la solitude fait rage par une de ces fantaisies de la nature qui, autour des cratères de l’Alaska, veut que la neige demeure sous la cendre, c’est là qu’il y a des années j’ai demandé qu’on allât chercher la beauté nouvelle, la beauté «envisagée exclusivement à des fins passionnelles ». (…)


Il ne peut, selon moi, y avoir beauté –beauté convulsive- qu’au prix de l’affirmation du rapport réciproque qui lie l’objet considéré dans son mouvement et dans son repos. (…)


L’œuvre d’art, (…) me paraît dénuée de valeur si elle ne présente pas la dureté, la rigidité, la régularité, le lustre sur toutes ses faces extérieures, intérieures, du cristal. Qu’on entende bien que cette affirmation s’oppose pour moi de la manière la plus catégorique, la plus constante, à tout ce qui tente, esthétiquement comme moralement, de fonder la beauté formelle sur un travail de perfectionnement volontaire auquel il appartiendrait à l’homme de se livrer. Je ne cesse pas, au contraire, d’être porté à l’apologie de la création, de l’action spontanée et cela dans la mesure même où le cristal, par définition non améliorable, en est l’expression parfaite. (…)


Une telle beauté ne pourra se dégager que du sentiment poignant de la chose révélée, que de la certitude intégrale procurée par l’irruption d’une solution qui, en raison de sa nature même, ne pouvait nous parvenir par les voies logiques ordinaires. Il s’agit en pareil cas, en effet, d’une solution toujours excédente, d’une solution certes rigoureusement adaptée et pourtant très supérieure au besoin. (…) Toujours est-il que le plaisir est ici fonction de la dissemblance même qui existe entre l’objet souhaité et la trouvaille. (…) C’est en elle seule qu’il nous est donné de reconnaître le merveilleux précipité du désir. Elle seule a le pouvoir d’agrandir l’univers, de le faire revenir partiellement sur son opacité, de nous découvrir en lui des capacités de recel extraordinaire, proportionnées aux besoins innombrables de l’esprit.(…)

La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas. »

Extrait de L’amour fou, André BRETON


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